Les Shetland, terre du bout de l’Europe, terre ultime balayée par les vents de l’Atlantique et de la mer du Nord. Ici les intempéries se succèdent à un rythme effréné, entrecoupées d’éclaircies aux lumières nordiques, pures et chaudes, qui habillent la lande de camaïeux pastels et d’or.
Paradis pour le photographe patient et "résistant", cet archipel est avant tout une terre d’accueil pour les milliers d’oiseaux de mer qui viennent nicher chaque année sur les falaises vertigineuses de Noss ou d’Hermaness. Au printemps, 25 000 couples de fous de Bassan apportent les matériaux nécessaires à la construction de leurs nids, des milliers de guillemots recherchent, à même la roche, les endroits les mieux adaptés à la ponte de leur seul et unique œuf tandis que les macareux restaurent les terriers creusés ou "empruntés" aux lapins l’année précédente. Tout ce petit monde s’affaire dans un va-et-vient étourdissant et dans un vacarme assourdissant sous l’œil intéressé des grands labbes qui préfèrent la lande humide pour élever leur progéniture.
Si les colonies d’oiseaux de mer ont un attrait incontestable, l’amoureux des oiseaux rencontrera beaucoup d’autres agréables surprises lors de ses vagabondages dans les tourbières, sur les grèves ou aux alentours des 2500 lacs de l’archipel. Un sifflement caractéristique et un pluvier doré apparaît au détour d’une motte de tourbe, un courlis cendré surpris s’envole maladroitement et un huîtrier pie apeuré par un prédateur passe en rase motte au-dessus d’une plage en donnant l’alerte. Aux abords du port de Baltasound, les corneilles mantelées, fièrement posées sur un poteau de clôture, narguent le photographe et s’envolent à la moindre tentative de prise de vue. Sur Mainland, des colonies de sternes arctiques défendent vaillamment leurs petits en harcelant de coups de bec tout intrus, homme ou bête, qui s’aventure sur leur territoire.
Mais tous les hôtes de ce pays ne sont pas aussi vindicatifs. Le furtif traquet motteux, la craintive bécassine des marais, le fragile plongeon catmarin, l’indifférent phalarope à bec étroit qui contourne vos pieds pour continuer à chercher sa nourriture, sont autant de rencontres inattendues, de moment d’intenses émotions.
Les Shetland, terre rude et attachante, terre d’exception où la nature est omniprésente, royaume des oiseaux où l’homme vit en protecteur discret, conscient de l’environnement unique qui l’entoure.
Anne VAISSIERE
le 12 septembre 2003 |